Voilà, c’est fini comme dit Jean-Louis Aubert. Jeudi, j’ai donné sa dernière tétée à Fleur de Sel. Il était 6h du matin, nous étions au chaud sous la couette pendant que MMM dormait, c’était un joli moment. Je n’ai pas pleuré, j’ai juste eu un petit pincement au coeur en me disant que peut-être, c’était la dernière fois que j’allaitais un enfant. Après 10 mois et demi de bons et loyaux services, mes seins vont retrouver leur usage habituel (je vous laisse imaginer ce que vous voulez).
Cet allaitement a été vital pour nous deux, c’est une certitude.
A la naissance de Fleur de Sel, je n’ai pas pu lui donner de tétée de bienvenue, comme on dit. Elle est partie au bout que quelques minutes voir la pédiatre et je ne l’ai retrouvée que 30 minutes plus tard dans sa couveuse avant qu’elle monte en néonat.
Tout à mal commencé en néonat en ce qui concerne l’allaitement. Dès les premiers jours, je tirais des litres de lait mais ma Fleur de Sel en pouvait en bénéficier dans sa sonde gastrique à cause d’une vilaine bactérie. On ne pouvait conserver mon lait au réfrigérateur car la bactérie se développait trop vite et ça n’était pas bon pour une petite préma (le lait a été donné au lactarium qui pasteurise le lait pour d’autres bébés plus prématurés que Fleur de Sel). En revanche, je lui donnais au sein directement. Elle était tellement fatiguée par sa pneumopathie qu’elle n’avait pas la force de téter et qu’elle se contentait de tirer la langue et de sourire en lappant quelques gouttes. Et puis un jour, elle s’y est mise. Elle prenait de plus en plus si bien qu’à sa sortie de néonat, la boîte de lait préma est restée au fond du placard. Elle avait décidé de boire à 100% au sein. Quel joli cadeau pour moi après avoir tiré mon lait 3/4 fois par jour pour stimuler ma lactation.
Un mois et demi après sa sortie de néonat, Fleur de Sel était hospitalisée en pneumo. Je passais mes journées et mes nuits avec elle mais je m’échappais tout de même quelques heures pour chercher Kouign Amann à la crèche, le baigner, le faire manger et le coucher. Je tirais mon lait la nuit et je l’apportais aux infirmières pour être sûre qu’elle boive mon lait pendant mes 5 heures d’absence.
Et puis le cauchemar a commencé. Un lundi au bout de 10 jours, je suis revenue, elle était trop faible pour boire et elle avait une perfusion… Je tirais mon lait et le jetais. Le jeudi, elle était en réanimation. Soit je continuais à tirer mon lait trois fois par jour, ce qui était fatigant et exigeant alors que j’avais besoin de toute mon énergie à ce moment-là, soit je laissais tomber, ce qui était humain et personne ne m’en aurait voulu. J’ai choisi de continuer à tirer mon lait (et hop, des litrons en plus pour le lactarium), à ce moment-là, c’était vital pour moi de continuer à le faire. Si je tirais mon lait, c’était parce que ma fille allait aller mieux et qu’elle aurait besoin de mon lait et de ses anticorps quand on la sortirait du coma. J’en étais sûre, il fallait que cela soit comme ça, une autre hypothèse n’était pas envisageable. Il le fallait. Si je continuais, c’était parce que je croyais en elle et en sa force de vie. Une semaine après sa mise en coma artificiel, un mercredi, on l’a réveillée et extubée. Dès que j’ai pu la prendre dans mes bras, les choses ont été claires : elle cherchait désespérément le sein. Il a fallu attendre 3 longs jours et le samedi suivant. Une interne est entrée dans la chambre « Mahé » en pneumo et m’a demandé : « elle va mieux, vous pensez qu’elle aimerait un biberon ? ». Un biberon, je ne sais pas mais le sein, oui ! Elle nous a laissé toutes les deux en me prévenant que Fleur de Sel allait devoir réapprendre à manger et que ça serait long en pointant la balance pour la peser avant et après le repas. Réapprendre, mon oeil. Fleur de Sel s’est jetée sur le sein avec un appétit de vivre incroyable. J’ai eu la plus belle récompense du monde pour mes efforts. Je lui ai donné sa tétée de bienvenue, la tétée de la renaissance. Elle buvait avec application, avec passion, ses petites mains accrochées à mon sein. Elle fermait les yeux de plaisir et moi, je lui pleurais dessus sans retenue. Ce moment restera gravé sur mon disque dur toute ma vie. Fleur de Sel a bu 80 ml, tout le service à défilé ce jour-là pour constater le petit miracle de « la maman qui a maintenu son allaitement malgré la fatigue et le stress et du bébé qui récupère plus vite que son ombre ». Le repas suivant, on lui enlevait sa sonde gastrique. Quelle victoire de la vie.
Tout ça pour vous dire que j’ai trouvé grâce à l’allaitement un moyen de croire en ma fille et que ce lien a été vital entre nous. J’arrête plus tôt que ce que j’avais « prévu ». Je pensais arrêter en décembre et stocker au congélateur pour terminer l’hiver mais je n’en ai plus envie et je n’ai plus l’énergie. Je préfère arrêter sur de jolis souvenirs plutôt que d’allaiter de manière médical, juste pour les anticorps. Je tiens à remercier mes seins, mon tire-lait Avent, ma crème lansinoh et MMM pour leur soutien sans faille durant ce bel et long allaitement. Maintenant, à boire, tavernier !
PS : j’espère que vous comprenez que je n’écris pas ce billet pour me faire mousser genre « l’allaitement, trop facile pour moi » ou « je suis trop courageuse, kiffe-moi » mais pour passer un message d’espoir et de soutien à celles qui galèrent et laisser une trace de ce joli parcours.