Inclassable

Sois sage, ô ma colère

IMG_0518J’ai ouvert la boîte et j’ai vu son visage singulier. Une fraction de seconde devant cette photo et tout m’est revenu instantanément.

Son parfum, son rire, sa voix grave et chaude, son accent si prononcé, sa peau mate, la forme de son pouce, la numéro de sa chambre à l’hôtel, son pull jaune, son costume en lin beige, ses cicatrices et la sensation qu’elles laissaient sous mon doigt quand je les caressais, son regard intense et doux, sa démarche de chat, sa manière de se pencher pour m’embrasser, nos six mois en sursis à s’aimer sans le dire vraiment, notre romance à date de péremption et surtout, sa disparition soudaine de ma vie.

Alors presque 20 ans après, j’ai ressenti la vraie colère. Celle qui me faisait mal au ventre depuis si longtemps et dont je ne connaissais pas la cause. Celle qui ne m’avait pas consumée, celle qui avait été mise en sourdine par la tristesse d’avoir été quittée, abandonnée par un simple coup de fil du jour au lendemain. Celle que je n’avais pas voulu lui offrir.

Il m’avait d’abord écrit une lettre six mois plus tard pour m’expliquer pourquoi il était parti à des milliers de kilomètres sans me dire au-revoir et cela m’avait fait du bien. Beaucoup de bien.

Six ans plus tard, il m’avait appelée pour me dire qu’il avait rêvé de moi et qu’il était encore hanté par la manière dont il était sorti de ma vie, qu’il me demandait pardon, vraiment. J’avais ri en lui disant que c‘était oublié depuis longtemps et je le pensais sincèrement.

En ouvrant cette boîte, en pleurant de colère et de rage contre lui, j’ai compris que j’avais bercé doucement ma douleur pour qu’elle s’endorme. Que si la tristesse était passée, je n’avais pas su laisser partir la colère parce que je ne la savais pas en moi. Parce que j’avais préféré ne garder que le meilleur de lui.

J’ai compris que j’avais besoin de vivre cette colère pour la laisser partir. Alors je l’ai accueillie, je lui ai fait de la place. Je lui ai offert l‘espace qu’il lui fallait.

Après avoir explosé, elle est partie sur la pointe des pieds, me laissant complètement vide.

Alors, j’ai enfin pu entendre les excuses prononcées des années plus tôt. J’ai enfin pu les accepter et c’était comme si ses longs bras à lui m’entouraient pour une longue étreinte. Celle dont il nous avait privés en partant sans prévenir.

 

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10 commentaires

  1. Répondre anyo 19 janvier 2017 à 18:44

    Ton texte est magnifique ! On y sent de l’amour, de la colère et de l’apaisement et une odeur du passé.
    Cela me rappelle ta très jolie nouvelle !
    Bon apaisement ! Et bravo pour ta plume touchante à chaque fois

  2. Répondre F;ior03 19 janvier 2017 à 18:55

    Surprenant comme on pense parfois etre passé a autre chose et brutalement, un detail surgit qui fait tout ressortir. C’est epuisant, mais les choses sont enfin reglees, vraiment reglees, après.
    L’esprit humain et plus encore les emotions restent un bien grand mystere…

    • Répondre F;ior03 19 janvier 2017 à 18:55

      fmior, pas f;ior… clavier qwerty!

  3. Répondre DeboBrico 19 janvier 2017 à 20:57

    Qu’est ce que tu écris bien!!

  4. Répondre DelphineB 20 janvier 2017 à 11:25

    Oh ça me parle tout ça. Merci
    Bonne journée

  5. Répondre Carnets d'une Bretonne 20 janvier 2017 à 14:41

    Joli texte fort en émotion ! Bravo pour ces mots posés ! 😉

  6. Répondre mamijane 21 janvier 2017 à 00:06

    « Il y a des silences qui veulent dire beaucoup, qui déchirent l’espace temps, vous font devenir fou…. » l’apaisement a pris place à la colère, très agréable à lire en tous cas.

  7. Répondre Marjitj 21 janvier 2017 à 10:10

    C est beau, c est fort ce que tu écris…
    Très joli texte Marjo

  8. Répondre charlotte 21 janvier 2017 à 15:05

    très beau

  9. Répondre Laurent 24 janvier 2017 à 11:15

    Quel texte pleins d’émotions … Très poétique et touchant ! Vraiment bien écrit, j’ai pris plaisir à le lire :).

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